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Un jeu passionnant : la parole démocratique

Conversation entre Jean-Louis Sagot Duvauroux et Caroline Sagot Duvauroux


Résidences

Rencontre Plissements Saison 3 animée par Stéphane Page et Maël Guesdon
Vendredi 17 mars 2017 - 20h à la Boutique d’écriture & Co

Partant de l’expérience africaine du Parlement des mots*, portée par Jean-Louis Sagot Duvauroux, philosophe et dramaturge, et questionnée par Caroline Sagot Duvauroux, poète, nous arpenterons ensemble la dimension politique de la langue, ici comme là-bas. La langue politique française serait-elle plus adéquate aux réalités, ici, en France qu’elle ne peut l’être en Afrique ? Tous ceux qui écoutent un peu notre langue en cette période électorale peuvent pour le moins en douter.
Mais à quelles conditions l’invention d’une nouvelle langue, la pratique de "ce jeu passionnant d’innovations lexicales et politiques, de réincorporation de la pensée politique et civique" pourraient-elles être transposées à notre pays lessivé par le triste impératif de réduire la langue à la communication efficace ? Comprendre ces conditions et en imaginer la mise en œuvre, telle sera notre tâche ici, à Figuerolles, ce vendredi 17 mars.

De la métonymie raciste à la métaphorisation décoloniale
Partant d’exemples concrets de passages possibles entre la langue bamanan (Mali), langue "maternelle" de la plus part de ses locuteurs, et la langue française, dans sa position de langue "officielle" du Mali post-colonial, Jean-Louis Sagot Duvauroux appelle "métonymie raciste", la métonymie par cécité des "explorateurs" et des colons : ne voyant qu’une partie des choses, en général leur surface, ils se contentent volontiers de cette amputation par une désinvolture que Jean-Louis Sagot Duvauroux se permet alors de juger "raciste". Ils désignent la chose à demi vue par cette moitié (ce quart, ce millième) sans se rendre compte de la métonymie involontaire, irréfléchie ainsi produite, contrairement aux bamananphones pour qui elle fonctionne de façon évidente.
Le français officiel traduit le mot bamanan "donso" par "chasseur" et le français lambda entend benoîtement "chasseur", tandis que le bamanan sait que le mot "donso" et son lien avec l’activité cynégétique appellent des réalités autrement plus lourdes, un peu comme en français le mot "maçon" quand on parle d’un initié de confréries maçonniques.
Une des façons d’en sortir tient dans un processus de métaphorisation qui parcourt tous les chantiers de traduction un peu profonds entre langues africaines et langues coloniales, entre réalités africaines et copier-coller forcé des institutions occidentales en Afrique. Ce fut notamment le cas lors du Parlement des mots inauguré au Cameroun.

*Le parlement des mots
Des États, des institutions, une « démocratie », des rites administratifs qui ne s’enracinent pas ? Bien des observateurs constatent combien la greffe de l’histoire politique occidentale peine à prendre sur les sociétés africaines. Comment en serait-il autrement ?
L’idée du Parlement des mots est née d’une expérience répétée au Mali, où je réside régulièrement : demander à des partenaires de conversation comment ils traduisent dans leur langue maternelle, les notions en langue officielle (le français) qui structurent le le discours politique : citoyen, citoyenneté, ethnie, corruption, liberté, État… La réaction la plus fréquente est un regard interrogatif, perplexe, puis après réflexion l’énumération de termes qui rejoignent approximativement la notion française sans jamais la recouvrir.
Le Parlement des mots est fondé sur l’idée qu’en interrogeant la distance entre les termes officiels (en langues officielles, c’est-à-dire européennes) et la désignation des réalités politiques et sociales dans les langues africaines, des pistes de réflexion vont s’ouvrir. Ce type de prises de conscience est souvent le point de départ d’innovations lexicales, d’analyses politiques, de propositions institutionnelles qui toutes vont dans le sens d’une réincorporation de la pensée politique et civique, d’une dynamique démocratique retrouvée. C’est aussi un jeu passionnant, dans des civilisations qui croient au verbe et où les conversations se vivent comme des joutes
rhétoriques pleines de rebondissements et de bons mots.
- Jean-Louis Sagot Duvauroux, sur son blog


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