C’était une phrase, une phrase que je lisais et qui avançait dans le sillon nauséeux des précédentes, languissant mollement sur le tissu épais, doublé de soie, qui confectionnait les hauts rideaux de la salle de bal où se tenaient par le bras des hommes, soudain muets par le rire démesuré d’une femme, la tête penchée en arrière, offrant sa gorge à l’éclat nu des grands chandeliers de verre parmi les coupes en cristal, noyées d’hydromel, que mordaient des lèvres avides, laissant sur le bord une emprunte rouge, sombre, presque noire comme cette ligne qui continuait pour reprendre sur la page suivante, soudain rehaussée par le galon en dentelle qui épousait une coiffe avant d s’affaisser au gré des contours en spirale d’une mèche blonde vers la couture brune du sommet d’un bustier jusqu’au creux sombre et profond de cette poitrine laiteuse à laquelle ces messieurs offraient un regard hanté par l’envie d’y poser leur langue avant d’y déféquer, griffant le parquet par le rebord métallique de leur talon, entailles striées sur la page, saccadé par cette mémoire qui me faisait oublier la presque totalité des mots que je venais de lire et qui, pourtant, me traînait un peu plus loin encore, comme soulevé par des spasmes, derniers soubresauts, soudain interrompus, à jamais.
Patrick
Atelier d’écriture – Lundi 26 février 2007
Animé par Jean-paul Michallet